Étape Tanjor
14/08/17 10:24
Nous venons d’accoster à Madurai après deux nuits dans un hôtel au milieu de nulle part, au bord d’une rivière asséchée depuis près de 4 ans d'après Sajan (prononcé sadjan). Ces deux derniers jours furent templiers. Nous avons visité pas moins de 4 temples et 1 palais. L’occasion rêvée de constater la complexitée de la religion indoue, assez proche de la mythologie grec par ses histoires entre dieux, femmes de dieux et fils de dieux. Beaucoup de dieux en somme. Dans la région du tamil nadu, ou nous sommes encore pour le moment, Shiva est la déité principale. Shiva, dieu de la destruction, ou déesse, au choix. En effet, Shiva, comme nous l’avons compris, n’a pas de forme. Shiva est à la fois homme et femme (bien qu’il couche avec une femme, Parvati, avec laquelle il est représenté à l'extérieure des temple dans des statues 2-en-1, avec 1 sein donc) et sa représentation au sein des temples s’approche de celle d’une taupe sortant la tête de son trou. Phallique, mais arrondie (heureusement qu’aucun indou ne lira ce texte). Shiva est également déesse de la danse cosmique, suite à une histoire de combat par danse interposée, qu’elle aurait gagné en levant la jambe assez haut pour dévoiler son pénis et sa souplesse. Shiva a plusieurs enfants, dont le plus vénéré serait Ganesh: fils à corps d’homme et à tête d'éléphant. Je n’ai cependant pas encore tout compris et ne m'attarderais pas sur les détails de peur de cumuler des hérésies. Ce que je peux dire, c'est que ces temples sont riches. Riche en couleur, riche en symbole et surtout riche en sculpture. Aucun extérieur de temple n’est aussi chargé d’histoire. Enfin, la seule information dont je sois sûr, c'est que le chiffre 9 est important: il y a 9 trou chez l'être humain, ce qui donne 1008 (1+0+0+8=9) statues autour du temple, par exemple. Ce sont en tout cas des lieux de culte pour la plus part fortement fréquentés par des pratiquants, qui sont en droit de ce demander ce que 3 blancs font la, en plein milieu de leur messes ou festivals.
En parlant de blancs, voici quelques détails sur notre condition en ces terres: nous sommes la véritable attraction. Je ne compte déjà plus le nombre d’indiens nous ayant photographié, avec ou sans notre autorisation. Autre détail: Nous ne sommes pas seuls, et nous nous reconnaissons entre nous. Dans les hôtels et restaurants nous croisons des français, ou plus largement des européens (pas encore d’américains), et presque toujours les mêmes. Un couple homosexuel espagnol, un couple d’italiens sans enfants, deux familles françaises avec enfants, une mère et sa fille, un autre couple de français… en fait nous faisons un peu tache ici, mais tous ensemble. Sans vraiment interagir entre nous pourtant. J’imagine que chacun espérait un dépaysement complet au milieu d’un autre peuple, et se sens presque frustré de devoir diner à coté de son voisins de frontière ou de palier. Et ça m’amuse - probablement parce qu’on achètent tous les mêmes guides en croyant futé, et qu’il ne recèle qu’une poignée de restaurants recommandés.
L’anecdote de ce courrier est également blanche, blanche comme la couleur des canons esthétique de la mode pour enfant. À Tanjor, nous avons eu l’occasion de visiter un grand magasin de vêtements. Tout y était: les hommes qui attendent assis à la caisse, les agents de sécurités, l’air climatisé, et surtout, les publicités. Je suis, tu t'en doutes, à la recherche de pièces originales en tout points. T-shirts, casquettes chaussettes, chaussures… je veux ce qui est permit ici, ou qui n’a de sens nulle part ailleurs (et suis heureux de t'annoncer que je possède déjà un nouveau sac à dos, une casquette et des chaussures de plage qui te feraient probablement hurler devant ta tablette si je te les montraient).
Mais revenons à ces enfants. Tout d’abord les enfants indiens sont sublimes, et leur garde robe la plus commune leur rend hommage, vibrante de couleurs et de contrastes. Les parents savent clairement ce qu'ils font (n’oublions jamais l’image de papa habillé en breton). Cependant, dans les photographies jointes à ce courrier ce n’est pas cette mode qui est à l’honneur, mais belle et bien une sorte d’"idéal"… pour qui? Je ne sais. Déjà, les enfants sont blancs. Ensuite, ce sont des accoutrements d’adultes - plus précisément d’adultes accomplis… dans quoi? Je ne sais non plus. En tout cas, ça fait de l’effet. De larges posters d’enfants géants, fêtards, princesses ou commandants. C'est bien une forme de réussite qu’ils incarnent, mais cela m’avait rarement autant frappé tant c'est exagéré, je te laisse constater.
Je profite de cette remarque pour parler un instant de la pauvreté, qui est impossible à ignorer et qui fait de ce récit une sorte de fiction. Nous payons 200 rupis (3 euros) pour visiter un palais tandis que les locaux n’en paient que 20. Les paysages observé à travers la vitre de la voiture confirme certains écrits de mon compagnon Michel de Certeau: «moment étrange où une société fabrique des spectateurs et transgresseurs d’espace, saints et bienheureux placés dans les auréoles-alvéoles de ses wagons». Citation hors contexte bien sûr - alors que je déteste cela - mais tu pourras vérifier pages 168 du tome 1 que tu possèdes que ma lecture de cette phrase n’a que très peu à voire avec son propos. Elle alimente simplement une pensée: nous ne vivons pas leur vie et il est bon de se le rappeler. J'ai eu de la peine, mais j'ai également pensé qu’ils n’en ont que faire. Qui suis-je pour, sous prétexte de visite, ainsi me positionner? Je préfère me concentrer sur leurs beautés, car j’ai le sentiment de ne pas pouvoir faire grand-chose d’autre que payer mon entrée pour les aider.
Je m’excuse de terminer sur ces phrases plus sombres, mais il est plus tard que jamais et demain nous visitons le dernier temple du trajet. Nous allons tous bien, personne pour le moment n’est tombé malade à cause de la nourriture fortement épicée. Papa lis l’histoire et nous raconte en simplifié, maman orchestre le sens de la marche. Sans eux je n'aurais rien à te raconter, sans toi je n'aurais personne à qui écrire. Je fais confiance à papa pour t’envoyer de belles photos des temples.